Il y a tout de même un personnage terrible, Amott Bajos…
Oui, il voudrait rajeunir de force Admira. Ce qu’il y a de terrible dans cela, c’est que si, d'un coup, plus personne n'a de rides, les jeunes n'ont plus aucune place. Cette phrase que l'on dit souvent, “Place aux jeunes” ne dit pas “Tuons les vieux”. Les vieux doivent avoir leur place, leur rôle. Si on ne sait pas faire ça, on est mal.
Au micro de France Inter, où l’on vous demande de choisir entre Simone de Beauvoir et Virginie Despentes, vous souriez : “Beauvoir, mais j’ai tort”. On pourrait néanmoins aisément comparer votre personnage, Admira, avec Rebecca, comédienne cinquantenaire imaginée par Virginie Despentes dans Cher Connard.
Simone de Beauvoir, on lui doit quand même beaucoup, c'est pour ça que je l'ai choisie. Mais Virginie Despentes me touche, car elle ne tombe dans aucun piège. Elle a l'air rude, âpre ; elle ne l'est pas. Je ne cherche pas à coincer les femmes dans la douceur, au contraire ! Justement, Virginie Despentes, elle a une mesure, qui est venue avec le temps. Elle n'a pas à être douce, mais en ayant aujourd'hui ce discours d'une telle humanité, elle me touche au cœur.
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Par Sophie Rosemont
Dans une scène de votre livre, une femme affirme que les hommes aiment les femmes refaites, car elles prouvent qu’elles sont prêtes à se “scarifier” pour coucher avec eux. Comment cette scène est-elle née ?
J’étais à une soirée dans un milieu très fortuné. J’étais avec une amie, mariée à un milliardaire extrêmement connu. Je lui ai glissé : “Nous sommes les deux seules femmes pas refaites de cette assemblée. Est-on au moins sûres que les hommes aiment ça ?”. Et elle me répond : “Mais détrompez-vous ! Je suis avec un homme puissant et je peux vous dire que j'accepte d'être un objet de décoration. Aussi intelligente qu'il me trouve, il ne tolère mon intelligence que parce que je suis capable d'avoir un cul musclé et un visage sans ride pour avoir le bénéfice d'avoir un phallus à sucer”. Je n'ai pas osé le mettre ainsi dans le livre.
M'autorisez-vous à le mettre dans l'article ?
Oui, bien sûr !
Êtes-vous familière avec le concept de “male gaze” développé par la chercheuse américaine Laura Mulvey ? Ce dernier affirme que l’industrie du cinéma, dominée par les hommes, fait des femmes des objets sexués devant la caméra.
C'est passionnant quand on regarde le rôle des femmes vieilles dans les films. Prenons Tendres Passions avec Jack Nicholson et Shirley MacLaine. Il n'ose pas imaginer coucher avec elle, ce qui finit par arriver. Il a alors une révélation. Un autre, Tout peut arriver, met en scène Diane Keaton et Jack Nicholson – encore lui. Il couche avec elle, et encore une fois, la femme est révélée comme une bombe sexuelle. Des cinéastes changent ça. Je pense à Jane Campion, qui dans La leçon de piano filme le corps d'Harvey Keitel, et montre que l'érotisme n'est pas ce que l'on croit. C'est édifiant.
Vous avez posé nue pour ELLE. Vous a-t-on donné des directives particulières ?